Notre Histoire

Entente 1955

Peu de nos membres ont vécu la période d’après-guerre de 1945. En Europe, cette époque de guerre a été précédée durant 10 ans d’une crise financière, politique et militaire. Les luthiers et archetiers, et le commerce en général, ont traversé ces 15 années de crise avec difficultés, la création artistique restant pour la plupart d’entre eux un rêve lointain.

La fin de la guerre a vu des vieilles amitiés se renouer aux travers les frontières, même si les échanges commerciaux restaient difficiles. En octobre 1947, un petit nombre d’experts se sont réunis à Paris afin d’envisager l’organisation d’une exposition Stradivarius à Crémone. Le projet n’aboutira pas mais cette réunion soulèvera l’idée d’un futur groupement international d’artisans.

Lors de la manifestation «International Exhibition of Contemporary Violin Making» à la Hague en 1949, Max Möller Jr a proposé officiellement la création d’un groupement international basé sur les groupes nationaux existants déjà dans certains pays (France, Allemagne, Suisse et d’une cer¬taine façon en Hollande et en Italie), Charles Enel, Vice-Président du Groupement Français, a invité ces confrères étrangers à se rendre à Paris lors de la Ste Cécile afin de continuer le développement de ce projet.

Cette réunion Parisienne en novembre 1949 a dépassé tous les espoirs. Sous la présidence du doyen de l’assemblée, le Suisse Eugène Tenucci, un comité provisoire a été créé afin d’étudier les détails de ce projet. Les membres étaient William Beare (Président, Angleterre); Andrea Bisiach (Italie); André Dugad (Trésorier, France), Georges Dupuy (Secrétaire Général, France); Charles Enel (Assesseur, France); Emile Français (Vice-Président, France); Fridolin Hamma (Allemagne); Otto Hjorth (Scandinavie); Max Möller Jr (Pays-Bas); et Henry Werro (Suisse).

De bons progrès ont été effectués. Henry Werro et Pierre Vidoudez, respectivement Président et Vice-Président du Groupement Suisse, ont pro¬posé une réunion à Genève en août 1950, afin d’étudier et d’approuver les propositions du comité provisoire.

Cette réunion a été un grand succès, sous la présidence d’abord d’Emile Français puis de Charles Enel, William Beare ayant été obligé de démissionner pour des raisons personnelles. Les mem¬bres français présents ont proposé un projet de statuts. A la suite d’une discussion animée, il a été décidé que les membres présents ainsi que les absents qui ont donné leur accord, devaient être nommés membres fondateurs. Une réunion de ces membres fondateurs a été décidée pour le 25 et 26 novembre 1950, à Paris. A cette date, sous la présidence d’Emile Français, le principe des statuts a été accepté. L’Entente était née!

Liste des membres fondateurs

Leo Aschauer, Mittenwald
Jean Bauer, Angers
Fritz Baumgartner, Basel
William Beare, London
Andrea Bisiach, Milan
André Chardon, Paris
Robert Coné, Lyon
André Dugad, Paris
Georges Dupuy, Paris
Hans Edler, Munich
Charles Enel, Paris
Celestino Farotto, Milan
Emile Français, Paris
Pierre Gaggini, Nice
Pierre Gerber, Lausanne
Fridolin Hamma, Stuttgart
Walter Hamma, Stuttgart
Albert Phillips Hill, London
Desmond Hill, London
Arne Hjorth, Copenhagen
Cyril Jacklin, London
Max Millant, Paris
Roger Millant, Paris
Daniel Moinel, Paris
Max Möller, Amsterdam
Giuseppe Ornati, Milan
Eugen Sprenger, Sigiswang
Eugen Tenucci, Zürich
Marcel Vatelot, Paris
Hendrik Vermeer, Basel
Pierre Vidoudez, Geneva
Henry Werro, Bern

Après différentes études et consultations juridiques, les statuts définitifs ont été finalement ratifiés lors d’une réunion à Mittenwald du 28 au 30 juillet 1951. Le comité provisoire a cédé sa place à un groupe composé d’un seul représentant par pays. Ce nouveau Comité, identique au Comité de l’Entente actuelle mais en plus petit, avait le pouvoir de nommer le bureau composé du Président et du Vice-Président (chacun représentant en même temps son propre pays) ainsi que d’un Secrétaire et d’un Trésorier, ces deux derniers étant sans droit de vote. Il a été décidé de se réunir une fois par an, à Londres pour 1952 et à Milan en 1953.

Les principales raisons d’être à la création de l’En¬tente étaient de garder les liens d’amitiés entre ses membres, d’être près si nécessaire à protéger l’environnement de travail, d’améliorer les méthodes de formation et l’apprentissage, de main¬tenir le niveau de la lutherie le plus haut pos¬sible, et de faire connaître cet art le plus lointain possible étant donné le danger d’être étouffé par le monde moderne industriel.
Durant le chaud été 1953 à Milan, la présidence est passée d’Emile Français à Desmond Hill. Au poste de Secrétaire, Max Moller a remplacé Georges Dupuy qui a effectué un excellent travail de correspondance nécessaire, la diffu¬sion d’information et l’archivage.

En 1954, le congrès a eu lieu à Copenhague, puis à Amsterdam en 1955. C’est à cette occasion là que Desmond Hill proposa que les congrès devaient avoir lieu tous les deux ans, Donc, Amsterdam fut suivi par Paris en 1957 et 1959. En 1957 Andrea Bisiach devint le nouveau Prési¬dent, poste qu’il gardera jusqu’au congrès de Londres en 1961. Là, l’idée de l’élection d’un nouveau Président toutes les 2 années, organisateur du congrès dans son pays, fut proposée de nou¬veau par Desmond Hill.

Cette sage proposition a été adoptée, et a amené non seulement le partage de cette lourde tâche de travail et d’organisation efficace des congrès, mais aussi un renouvellement régulier d’idées et des styles variés à la tête de l’Entente.

Il est à noté que durant les années 1950, l’adhésion à l’Entente était exclusivement Européenne. Les membres avaient à faire face, à ce moment là, à des difficultés, principalement dues aux attaques de Giovanni Iviglia et de la «Chambre d’Expertise Suisse» sur les traditions établies. C’était à l’époque où des instruments anciens de grands maîtres étaient régulièrement dénoncés comme faux par des méthodes pseudo-scientifi¬ques, à la grande confusion des propriétaires et le désespoir de ceux qui connaissaient la vérité.

Bien que certains membres avaient pour image de continuer une conspiration établie depuis long temps à tromper les musiciens, l’Entente n’était pas conçue pour être un lobby sur les questions d’expertises, et ne l’est jamais devenue.

Au début des années 1960, la crise Suisse (deve¬nue comme telle à certains moments) c’est en grande partie évanouie. Le congrès d’Amsterdam (1963), Stuttgart (1965), Angers (1967) et Copen¬hague (1969) ont été de l’avis général des agré ables moments amicaux avec des échanges d’idées professionnelles. Le programme d’Amsterdam démontre une première réunion du Comité le dimanche soir 30 juin, et la fin du congrès le vendredi 5 juillet. Pour le lundi et mardi, des demies journées de réunions de travail, Quant au mercredi, visite des collections instrumentales du Musée Municipal de la Hague. De ce pro¬gramme, on peut en déduire un séjour relaxant et gastronomique, notamment grâce à la géné¬rosité des membres Hollandais en particulier Max Müller et Johann Stüber, Tous les autres congrès des années 1960 ont été marqués par cette hospitalité chaleureuse qui est devenue depuis, une tradition.

Au congrès de 1969 à Copenhague, Etienne Vatelot a proposé que pour les années sans congrès, les membres devaient se rencontrer pour ce qui est devenu «les journées de travail», journées avec pour thème un luthier ou une école à étudier. Chaque membre devait y apporter un ou plusieurs instruments concernant ce thème pour comparai¬sons et discussions. Ces réunions ont eu un succès significatif pour l’Entente durant des années, A la première réunion à Paris en 1970, le thème était l’Ecole Florentine; il est à noté que certains des instruments apportés n’étaient pas très Florentins. Au fur et à mesure, les journées de travail sont devenues très semblables aux congrès, avec les mêmes charges d’organisation pour la ville les accueillants. En conséquence, le temps passé sur les activités professionnelles et d’étude ont doublé, pour le profit de tous les membres.

En 1971, le congrès a eu lieu à Genève sous la présidence de Pierre Vidoudez. Les adhésions internationales augmentaient rapidement. En 1973, on retrouve les membres à Harrogate (Grande Bretagne), avec William Beare comme Président, sous une pluie constante. 1975 a vu le premier congrès aux Etats-Unis, invité par William Moennig Jr à Philadelphie et Océan City. En 1977, c’était à nouveau le tour de Max Möller. Une splendide visite en bateau de l’Ysselmeer qui a contrasté avec une discussion animée concernant des techniques de restauration. Les congrès des années 1970 ont terminé à Mitten¬wald en 1979 sous la présidence de Walter Hamma.

En 1981, Etienne Vatelot a choisi Cannes. Sous un soleil radieux, tous les participants ont pu profiter du célèbre Hôtel Carlton et sa plage privée. C’est à Cannes que nous avons eu notre première expérience de traduction simultanée. Tout ce difficile travail était auparavant fait par le polyglotte Pierre Vidoudez qui était très content de pouvoir reposer sa voix. En 1983, le congrès de Vienne a été présidé par Gerhard Neubauer. Le sommet de ce congrès aura été un banquet médiéval durant lequel tous les membres et leurs partenaires ont porté des vêtements «authen¬tiques». Le très accueillant Sesto Rocchi a été Président en 1985 pour un congrès moins événe¬mentiel à Crémone et en 1987 avec Andrew Hill comme Président nous avons passé un agréable et intéressant moment à Londres.
L’adhésion à l’Entente a augmenté rapidement et certains membres se sont demandés si les règles d’adhésion ne devaient pas être modifiées.

En 1985, l’Entente a 35 ans et beaucoup des membres fondateurs ont déjà pris leur retraite ou sont décédés. Un petit comité est formé de Roland Baumgartner, Charles Beare et Berend Möller, pour étudier l’avenir de l’Entente et ses objectifs, ainsi que la question d’adhésion. Devait-il y avoir une limite en nombre de mem¬bres, l’adhésion devait-elle être par invitation plutôt que par demande et dans ce dernier cas, quelles devaient être les motifs de refus? Ceci et beaucoup d’autres questions ont été discutés. La principale conclusion est que l’Entente devait être plutôt sociale et formatrice, un lieu de ren¬contre pour créer des liens et des amitiés aussi bien que des échanges professionnels. En conclusion, seul les luthiers qui ont une contribution à apporter dans ce sens devront être admis sous condition également de faire preuve de qualifications pro¬fessionnelles bien définies qui, malgré quelques petites modifications, ont toujours été exigées.

La discussion du comité reflète le sentiment de certains membres qui refusent que l’Entente soit pour certains uniquement l’utilisation de son nom sur le papier en tête.

En 1989 le Président Hans Weisshaar a organisé le congrès à Washington DC, réunion agréable sur tous les points de vue. Peu après, la disparition tragique de Berend Möller l’aura un peu fait oublié.

Les années 1990 on eu une bonne série de congrès et journées de travail. Ces congrès ont été présidés par Mads Hjorth (Copenhague, 1991), Roland Baumgartner (Basel, 1993), Serge Stam (Utrecht, 1995), Wolfgang Bünnagel (Köln, 1997) et Charles Beare (Dublin, 1999). Depuis cette dernière période, un groupe d’archetiers, membres de l’Entente, a organisé ses propres thèmes d’études et de lectures qui ont été aussi intéressant pour ceux qui d’habitude ne s’occupent que des instru¬ments. Nous avons aussi créé une nouvelle catégorie de «Membre Associé», pour ceux qui ont choisi de travailler dans les ateliers de certains membres de l’Entente, plutôt que de créer leur propre installation, De plus, nous avons commencé d’étudier la possibilité d’élargir à des «Membres Honoraires» en invitant des non-luthiers qui ont d’une certaine façon contribué à notre métier.

En cette année 2000 nous pouvons regarder avec fierté, le passé et le développement de l’Entente au cours de ces cinquante années, et avoir de la gratitude pour la vision des membres fondateurs qui ont effectué ces premiers pas dans des moments difficiles.

Nos membres seniors regardent en arrière avec nostalgie en se rappelant les amitiés nouées durant les premiers congrès. Au même moment, nous pouvons regarder avec optimisme les années à venir, la progression des connaissances et de la qualité de notre profession à laquelle nos membres sont dédiés.

Charles Beare
Ex-Président